mouvement I
de haïku et d'autres écrits
(dans la veine du zen, du ch'an et autres courants qui remontent peut-être jusqu'à la fleur tenue par le Bouddha et au sourire de son successeur, et peut-être même avant, immémorialement, dans la nuit et le jour des temps). « Écoutez seulement la voix des pins et des cèdres Quand il n'y a plus aucun souffle de vent. » dit la nonne Ryonen (in : Contes des sages du Japon, P. Fauliot, Le Seuil, 11/2008.) C'est à peu près à cette date (fin novembre 2008) qu'est montée l'envie en anna d'un « mouvement » du haïku autre que celui (ceux ?) qu'on peut rencontrer en France (et en Navarre, selon la formule consacrée), d'un haïku plus « vivant », plus « libre » (voire « libertaire »), d'un haïku qui respire enfin, qui n'est pas prisonnier de « règles », d'un haïku qui n'admet ni restriction, ni moralisation (ni moralistes), d'un haïku libre de ses thèmes (aussi bien « naturels » que « sociaux » ; et à ce propos un des ouvrages importants de notre « philosophie » du haïku, sinon « fondateurs » est celui d'Érik Sablé : Sagesse Libertaire Taoïste, Introduction à la sainte paresse, éd. Dervy, 2005.) La « paresse », autre thème qui nous semble primordial, afin de pouvoir respirer, récupérer, regarder, contempler, reVivre, en ces temps de bousculades effrénées et de grandes confusions… Vide et plein, (yin et yang), expiration et inspiration, systole et diastole, flux et reflux marées hautes et marées basses, bien et mal, notre bol vide ne se refuse rien, ne choisit pas, il est. Étant mouvement, il évolue, ne se fige pas, il ira où il se doit, de lui-même :« Assis tranquillement, ne rien faire. Le printemps vient, l'herbe pousse d'elle-même. » : extrait du Zenrinkushu, anthologie compilée par Eichô, comprenant des extraits de 200 histoires zen du professeur d'université américain qui se rend au Japon pour débattre du « concept du Vide prôné par le bouddhisme, et plus particulièrement le zen », avec un maître de thé… Devant son arrogance d'intellectuel « voulant démontrer son érudition », le maître emplit sa tasse jusqu'à ce qu'elle déborde et continue à verser : « eh oui, ce bol déborde tout comme votre esprit. Comment voulez-vous que je puisse y ajouter quelque chose ? » Sur le kakémono° du tokonoma°° du pavillon de thé était également inscrit ce « poème » : Le bol n'est utile Que parce qu'il est vide. (Contes des Sages du Japon, Seuil, 2008, p.15). Parce qu'il s'agit aussi de s'effacer pour voir le monde, parce qu'il faut décentrer (encore et toujours) l'homme, afin qu'il n'obstrue pas la vue du paysage. (Une des « techniques d'écriture » du haïku par Bashô, est de :« Cacher l'auteur ». ) Jane Reichhold, dans son introduction à Bashô, the Complete Haiku,, éd. Kodansha Int., 2008, p 9, écrit :« Les enseignements bouddhistes et la poésie de Bashô nous apprennent à rechercher l'essence, l'être même des choses même les plus infimes, les plus communes. Un des buts de la poésie est de pénétrer cette essence, de s'en saisir en mots, et de la transmettre au lecteur, avec tant de pureté que l'écrivain disparaît en tant qu'auteur. Seulement en se mettant sur la touche, en abandonnant l'idée de l'importance d'être l'auteur, peut-on capturer et transmettre l'essence - la véritable ainsité - d'une chose. »
« quand on observe les oiseaux, on apprend à disparaître »
anna
« un cingle plongeur /pour le voir/ je suis devenue rocher »
anna
À cause de la nécessité du moins dans un monde qui (nous) tend vers le toujours plus : toujours plus de travail (alors qu'il y en a véritablement de moins en moins = licenciements journaliers à l'échelle mondiale), toujours plus de consommation, alors que nous sommes gavés comme des foies gras) – tout du moins dans nos civilisations « occidentales ». Parce qu'il y a le plein et le vide parce qu'il faut vider le bol avant de pouvoir le remplir, parce qu'il faut laver le bol avant de pouvoir s'en servir, parce qu'il faut laver le pinceau pour y poser une seule couleur (la première) – j'allais dire : une seule lumière.
” quand le disciple sera désert, il sera rempli de lumière. ” dit l'évangile de St Thomas.
Parce que les Anciens (peintres chinois et Japonais, poètes chinois et japonais – dans le haïkaï notamment – ont réussi cette synthèse du plein et du vide, du trait et de l'absence de trait, du mot et du silence… : voilà ce que nous voulons retrouver dans notre haïku, dans nos écrits, dans nos peintures, dans notre « art de vivre », car nous ne dissocions pas, (comme beaucoup ?) l'Art de l'Art de vivre, et au présent de nos existences « éphémères » ! Nous suivons les traces de ces Anciens, non pour les imiter, mais pour « chercher ce qu'ils ont cherché » ( : Bashô) Nous cherchons nos propres traces, nous les inscrivons sur le papier – ou sur la toile. Que ceux qui se reconnaissent dans notre démarche dite du « bol vide » se joignent à nous, et postent, dans un premier temps leurs écrits, leurs coups-de-cœur leurs réflexions, leurs idées, leurs propositions pour que ce mouvement que nous initions ici prenne son essor.
Bien à vous,
daniel et anna (le 1° février 2009, Montpellier / Paris)
brouillard matinal
tant de toiles d'araignées
le long de la route
daniel
couchée dans l'herbe
les yeux mi-clos
les nuages redeviennent nuages
anna